Ermesinde

 

La fille de Henri l’Aveugle, née en juillet 1186, ne vécut auprès de son père que les dernières années de sa vie. En effet, à peine sevrée, elle fut emmenée en Champagne par le comte Henri II de Champagne à qui elle avait été promise en mariage. Mais ce dernier, en 1189, partit pour Jérusalem où il se maria et mourut en 1197. Henri l’Aveugle en profita pour ramener sa fille auprès de lui, retiré au Luxembourg. À sa mort, le 14 août 1196, elle n’avait que dix ans. La transmission de l’héritage obligeait à conclure un mariage le plus vite possible. Celui-ci intervint entre le milieu 1197 et le milieu 1198. Elle était âgée de onze-douze ans lorsqu’elle épousa Thibaut de Bar qui venait de répudier sa femme. De 1200 à la mort de Thibaut en 1214, on sait peu de choses sur Ermesinde hormis qu’elle mit au monde trois enfants : un fils qui décèdera entre 1211 et 1214, une fille morte en bas âge et Isabelle qui épousera le fils de Waleran de Limbourg, né d’un premier mariage. Quant à Thibaut, il est connu pour ses aptitudes militaires, on l’a vu à l’assaut du comté de Namur, et en 1211, il prend part à la croisade contre les Albigeois. On lui connait des chartes d’affranchissement en Lorraine. Par son décès, le comté de Luxembourg se séparait de celui de Bar.

À nouveau, Ermesinde devait se remarier sans attendre pour sauver son comté. Après trois mois de veuvage, elle épousait Waleran de Limbourg, marquis d’Arlon. Avec le fils de ce dernier, à la fois son beau-fils et son gendre, elle poursuivit la politique engagée pour établir cet accès à la Meuse à Liège par l’Ourthe, depuis Luxembourg et la Lorraine, en prenant appui sur les comtés de La Roche et de Durbuy. Ce plan fut contrarié lorsqu’en 1226, l’occupation de la forteresse de Logne et la maison forte de Comblain fut contestée par l’abbé de Stavelot et l’évêque de Liège qui s’en remirent au pape pour lancer une procédure d’excommunication contre la comtesse. Les Luxembourgeois s’efforcèrent de se maintenir sur l’Ourthe et de se rapprocher de Liège avec l’acquisition de la seigneurie d’Aywaille sur l’Amblève en 1270 et à travers un réseau de ministériaux détenteurs de tours, comme à Poulseur sur l’Ourthe.

Trois enfants sont nés de ce mariage : Catherine, Henri et Gérard. En 1226, son époux Waleran décède et elle dirige alors la destinée du comté en s’appuyant sur un entourage composé des familles nobles luxembourgeoises. À partir de 1235, son fils Henri V (dit le Blondel) apparaît de plus en plus présent dans les actes officiels.

En 1247, selon ses volontés, elle souhaite fonder une nécropole dynastique entre Arlon et Luxembourg. La mémoire des lieux serait confiée à des religieuses de l’ordre cistercien. Son fils, Henri V se chargea de l’exécution de ses volontés, ce qui prit quelques années. Entre son décès et la construction de la chapelle funéraire dans l’abbatiale s’écoula au moins quelques mois durant lesquels on peut s’interroger sur le lieu de sa sépulture provisoire. Le monastère adopta le plan cistercien mais fut en réalité un chantier permanent tantôt face des difficultés financières, tantôt des catastrophes naturelles. À titre d’exemple, il fallut attendre le XIVe siècle pour voir le cloître achevé. Du tombeau d’Ermesinde, placé dans le fond occidental de l’abbatiale, il ne reste rien. Les tombeaux de son fils et de sa femme prirent place à ses côtés. Les ossements d’Ermesinde furent déplacés en 1747 et échappèrent à l’incendie de 1794. En 1875, on les retrouva lors de fouilles organisées par les Jésuites qui avaient entrepris la restauration des lieux abandonnés depuis la Révolution. La cavité maçonnée contenait les ossements et une plaque en étain qui les avaient authentifiés lors de la manipulation de 1747. Depuis, ils sont contenus dans un coffre-fort en fer sans doute du XVIIIe siècle et ont été replacé dans la chapelle commémorative édifiée en 1875 et restaurée en 2000.

Les ossements supposés d’Ermesinde, remontés en position anatomique (photo G. Focant © SPW-AWaP)
Coffre-fort en fer dans lequel sont conservés depuis 1870 les ossements supposés d’Ermesinde (photo G. Focant © SPW-AWaP)
Plaque en étain qui authentifie les ossements en 1747 : Voici les précieux ossements de la très illustre et pieuse princesse Ermesinde comtesse souveraine de Luxembourg et de Namur, notre heureuse fondatrice que Dieu glorifie et sans fin benisse, icy transferez le 20 may 1747 (photo G. Focant © SPW-AWaP)

Les ossements ont été soumis à un examen anthropologique par Agnès Malevez. Son rapport confirme qu’il s’agit bien d’un sujet féminin, âgé au décès de plus de 55 ans qui présente des indicateurs d’accouchements multiples. Une datation au carbone 14 a livré une fourchette chronologique compatible avec la date de 1247.

Crâne supposé d’Ermesinde (photo G. Focant © SPW-AWaP)
Crâne supposé d’Ermesinde (photo G. Focant © SPW-AWaP)

Bibliographie

L’abbaye cistercienne de Clairefontaine. Du rêve d’Ermesinde aux réalités archéologiques, Catalogue d’exposition du 30 avril au 17 octobre 2010 au Musée Gaspar à Arlon, dans Bulletin de l’Institut archéologique du Luxembourg, t. 86, 3-4, 2010.

MARGUE M. (dir.), Ermesinde et l’affranchissement de la ville de Luxembourg. Études sur la femme, le pouvoir et la ville au XIIIe siècle, Luxembourg, 1994.

 

 

HENRI V, VI ET VII

AURELIE STUCKENS

QUOI DE NEUF A POILVACHE ?