Un événement majeur va émailler l’histoire de la forteresse pendant le règne de Waleran et d’Isabelle : le siège qu’elle subit en 1238 au cours duquel l’évêque de Liège, Jean d’Eppes, assiégeant, vient à mourir. Cet épisode vaut l’honneur de deux chroniques contemporaines, celles de Gilles d’Orval et d’Aubry de Troisfontaines, tous deux moines cisterciens et en relations épistolaires, Troisfontaines étant l’abbaye-mère d’Orval.
Le récit d’Aubry de Troisfontaines, plus développé que celui de Gilles d’Orval, fournit un bel exemple, détaillé et imagé, de ce qu’était un siège au Moyen Âge, et illustre bien l’extrême importance des facteurs psychologiques au sein du rapport de forces, basé sur l’intimidation, qui s’instaure alors. Il est clair en particulier que la perception qu’ont les adversaires de leurs ressources respectives, et notamment des réserves en vivres et, surtout, en eau de la place investie joue un rôle essentiel. En voici la traduction : « Waleran, seigneur de Poilvache, fils du défunt duc de Limbourg Waleran, avait commis de nombreux méfaits horribles et impies contre ses voisins et surtout contre l’évêque de Liège, Jean. C’est pourquoi celui-ci, comme il était noble et courageux, rassemblant une nombreuse armée aux alentours de la Purification de la sainte Vierge (c’est-à-dire le 2 février), mit le siège avec détermination devant le château dudit Waleran que l’on nomme Poilvache et qui est situé sur la Meuse. Peu après, à la demande de l’évêque, Thomas comte de Flandre, qui était son vassal pour le fief de Hainaut, vint au siège avec une noble foule de Flamands et de Hennuyers, amenant avec lui une catapulte et d’autres machines de guerre ; avec lui était Arnould, comte de Looz, et de nombreux nobles du voisinage qui, chaque jour, menaient de nombreux et vigoureux assauts, en lançant des javelots, en tirant des flèches et en escaladant les murs. Et parce que le château n’était pas bien fortifié et qu’il n’avait pas d’eau en suffisance, les défenseurs l’auraient sans doute rapidement rendu à l’évêque, s’il n’y avait eu quelques traîtres, comme l’on dit, qui leur révélaient toutes ses décisions (et aussi parce qu’ils se défendaient avec courage, s’exhortant en secret que le siège serait levé). Comme le siège était encore mis devant le susdit château de Poilvache, l’évêque de Liège Jean mourut au château de Dinant le deuxième des Kalendes de mai. À cause du siège, sa mort fut cachée à tous, sauf à quelques proches, et il fut transporté par deux de ses fidèles serviteurs au Val Saint-Lambert où l’abbé, le recevant en confession par l’intermédiaire de deux de ses fonctionnaires, lui donna une sépulture honorable, de nuit, en présence de deux moines et de deux convers. Or, le lendemain de la mort de l’évêque, les défenseurs qui étaient aux créneaux, se moquant et riant disaient à ceux qui étaient à l’extérieur : Allez-vous en, allez-vous en, votre maître est mort. Ainsi la trahison, dont j’ai fait mention précédemment, fut manifeste. Ensuite, Waleran, comme c’était un homme belliqueux et très expert dans l’art de la guerre, rassemblant tout ce qu’il avait en une armée, traversa la Meuse. À cette nouvelle, l’armée de l’évêque battit en retraite – autant de têtes, autant de fuites – et se réfugia sans retard à Dinant ; plus tard cependant, le château fut rendu au comte de Flandre au nom du roi ».
Une sentence du comte Robert d’Artois, frère du roi de France Louis IX, restitue néanmoins Poilvache à Waleran de Montjoie peu de temps après. Il meurt en 1242, et le 10 mars 1254, Isabelle de Bar cède la terre de Poilvache à son frère utérin Henri le Blondel, comte de Luxembourg, en échange des seigneuries de Marville et d’Arrancy. À la Noël 1256, Henri le Blondel vient mettre le siège devant Namur, dans une nouvelle tentative de récupérer l’héritage d’Ermesinde et l’on peut penser que la récupération de Poilvache, utile point d’appui, est effectuée dans cette optique. Les conditions sont maintenant réunies pour que la terre de Poilvache devienne une circonscription administrative du comté de Luxembourg, sous la forme d’une « prévôté ».
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QUOI DE NEUF A POILVACHE ?