Personnage emblématique sur l’échiquier politique et militaire européen du XIVe siècle, Jean Ier de Luxembourg, plus connu sous le nom de Jean l’Aveugle, voit le jour le 10 août 1296. Il est le fils de Marguerite de Brabant et de Henri VII, comte de Luxembourg et roi des Romains. Par son mariage avec Élisabeth de Bohême, Jean Ier devient roi de Bohême en 1311. Grand homme de guerre, il incarne l’idéal chevaleresque. Infatigable voyageur, il participe à de nombreuses batailles qui le détournent de son royaume de Bohême dont il confie la gestion à son épouse. Fortement endetté par ses ambitions politiques, il est contraint d’aliéner une partie de ses biens. À demi français par ses ancêtres (Louis VI, roi de France et Aliénor d’Aquitaine), Jean Ier de Luxembourg est mêlé aux luttes pour l’empire entre les Habsbourg et les Wittelsbach. Ses plus notables réalisations se situent dans le comté de Luxembourg où il mène une politique onéreuse en fortifications. En 1331-1332, il accorde des privilèges aux comtés de Durbuy et de La Roche, ainsi qu’à Bastogne, conférant à ces trois cités le statut de ville. Il agrandit la ville de Luxembourg en faisant construire une troisième enceinte. Proche de la cour de France, il devient le beau-frère du roi de France, Philippe VI, en 1322 à la suite du mariage de sa sœur Marie de Luxembourg (1305-1324) avec Charles IV le Bel.
En 1330, dans le cadre du conflit qui oppose le pape Jean XXII à l’empereur Louis IV, Jean l’Aveugle s’empare de plusieurs villes de Lombardie. Convaincu d’une entente entre ce dernier et le pape, l’empereur soulève la Bohême contre son roi qui recouvre toutefois rapidement son autorité. Jean l’Aveugle conclut un traité d’alliance militaire avec le roi de France à Fontainebleau. À l’automne 1332, Jean de Luxembourg perd plusieurs villes italiennes (Brescia, Bergame, Pavie, Modène,…) qui défendent farouchement leur indépendance au sein de la ligue de Ferrare. Remarié en 1334 avec Béatrice de Bourbon, c’est au cours des premières années de la Guerre de Cent Ans que Philippe VI fait appel à lui pour reprendre, à la tête d’une armée de 12000 hommes, plusieurs forteresses gasconnes tombées aux mains des Anglais. Devenu aveugle dès 1340 des suites d’une opération chirurgicale manquée aux yeux, il trouve la mort sur le champ de bataille de Crécy, le 23 août 1346, au cours d’une charge héroïque, attaché à deux de ses compagnons d’armes, face à l’armée anglaise du Prince Noir (Édouard Plantagenêt, fils aîné d’Édouard III, roi d’Angleterre). Sa devise était Ich dien (Je sers). Son tombeau se trouve aujourd’hui dans la cathédrale Notre-Dame de Luxembourg.
QUOI DE NEUF A POILVACHE ?
Poilvache a occupé une place particulière dans la vie de Jean l’Aveugle. Comte de Luxembourg, devenu roi de Bohême, infatigable voyageur, il ne cessa durant son règne (1309-1346) de sillonner l’Europe de Paris à Wraclow en Pologne ; tel celui qui est toujours là où on ne l’attend pas. L’exercice du pouvoir sur ses vastes possessions se fit en mouvement à travers sa personne. Par les dates d’émissions de ses nombreux actes, on arrive à restituer avec précision ses déplacements au fil de son règne.
On apprend qu’il fit étape au moins à quatre reprises à Poilvache :
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le 15 mai 1332, au retour d’Helchin sur l’Escaut vers Bastogne,
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le 13 avril 1339, en chemin de Metz vers Liège,
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le 12 avril 1342, de Luxembourg à Marche-en-Famenne et
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les 8 et 9 septembre 1344, en venant de Metz et se rendant à Bacharach sur le Rhin.
Poilvache ne fut donc pas qu’une étape sur la route mais aussi une destination obligée, en tout cas pour les deux dernières mentions.
L’information indique la capacité de Poilvache d’offrir l’hébergement à la fois sûr et confortable à un équipage fourni; un contingent de 300 personnes n’aurait rien de surprenant. Il faut imaginer pour une telle cour itinérante un train de plusieurs équipages pour transporter les personnes mais aussi les coffres des archives, de la vaisselle, de la garde-robe etc., de chevaliers et autant de valets, de clercs. C’est dire la capacité du château et de la « ville » de répondre aux besoins en de telles circonstances. L’eau devait être une préoccupation majeure. La nécessité d’un puits s’est imposée ainsi que la construction de citernes1.
Parmi ce monde, pour les années concernées, nul doute que le secrétaire particulier, plus célèbre pour ses poèmes et ses compositions musicales, Guillaume de Machaut, au service de Jean l’Aveugle de 1323 à 1346, passa par Poilvache. Au contraire du château de Durbuy, celui de Poilvache ne semble pas l’avoir inspiré.
Bibliographie
MIGNOT Ph., Jean l’Aveugle, un roi en mouvement (1311-1346), dans COCULA A.-M. et COMBET M. (édit.), Château, voyage et voyageurs, Actes des Rencontres d’Archéologie et d’Histoire en Périgord, 25-27 septembre 2009, Bordeaux, 2010, p. 41-56.
SAINT-AMAND P., Les puits de trois châteaux du comté de Namur en vallée mosane : Poilvache, Bouvignes et Montaigle, dans Quoi de neuf à Poilvache ?, Bouvignes-Dinant, 2018 (Cahiers de la MPMM ; 12).