La destruction de Poilvache en 1430

 

En 1429 et 1430, on observe la consolidation des structures de fortifications du château de Poilvache1.

Le complexe castral ne survivra pas à la destruction et à la ruine due à la prise de la forteresse par l’armée liégeoise, soutenue par les milices hutoises et dinantaises en 1430, lors du conflit opposant la principauté de Liège à Philippe le Bon, duc de Bourgogne, qui a pris possession du comté de Namur en 1429. Voici comment les événements sont relatés par le chroniqueur Jean de Stavelot témoin des faits :

Apres, cheaz de Huy soy partirent, et en allont tout ardant le paiis vers Aseche por là à logier, et tendirent leurs tentes. Et quant che vient sour l’heure de soppeir entre jour et nuit, uns hons de Huy aparchut les Namurois encontre une grande haie, si que ilh commenchat à crieir al arme. Là veiist-ons gens de grant volenteit, car tantoist ilhs furent armeis et rengiés aux champs ; là furent tantost espriese ches torches et falos, si que ilh y faisoit pres enssi cleir com ilh fust jour. Quant ly sires de Croiier et de Mamyne veirent que les Huyois les avoient aparchut, si s’en r’allont sens atargier vers Namur ; et quant cheaz de Huy entendirent par II de leurs compangnons que les Namurois en estoient r’alleis, cascon soie retraihit à son logiche, et dormirent toute nuit en armes. – Et à secon jour apres ilh soy deloghont, et en allont tout droit vers le fortreche d’Es, et quant ilh vinrent si pres que ilh le veirent, si soy rengont sor les champs et fisent trois batalhes tres-bien ordineez por combatre ; car ons leur avoit dit que les Namurois venoient sour eaz pour combatre, et que ilh avoient bien XIIc chevals, sens les pitons ; et estoient à quart d’une liewe pres d’eaux, et veirent cheaux de Huy leur manewarde al delà d’on gran feus sour unc tiers. Mains ilh orent teile conselhe que ilh s’en rallont devers Namur ; et adonc soy rendirent cheaz dele fortereche d’Es, salveit leurs corps, et rendirent la fortereche al volenteit de monsingneur, et cheaz de Huy y misent des compangnons por wardeir jusqu’à tant que monsingneur de Liege venroit là. – Et lendemain al matien soy partirent de Huy, et allont tout ardant le paiis de chi à Purnode, et se loghont az champs, et y sturent pluseurs jours, jusques à tant que cheaz de Dynant vinrent devant Poillevache. Et adonc cheaz de Huy soy deloghont et allont deleis cheaz de Dynant, et y misent tous ensemble le siege devant les boloirques et la fortereche, qui estoient grans et fors, et commenchont à traire de chanons et de bombards l’unc contre l’autre ; et remanirent là enssi, jusques à tant que ly oust del citeit de Liege y vient2.

Apres vint monsigneur de Liege, et le singneur de Hinsberch son peire vinrent tres-noblement à cheval en faisant l’avant-garde en II batalhes ; et la citeit et les charois venoient apres à grant puissanche de gens bien armeis, et fisent siege devant Pollevaiche awec cheaz de Huy et de Dynant. Et quant cheaz del fortereche veirent tant de nobles gens, ilh furent tous enbahis, jasoiche qu’ilh traiirent fours fortement de kanons ; mains li grosse bonbarde de Huy trahit unc cop, si que ilh abatit une viés parois en leur cyterne, si que ly aywe fut toute ordée ; et de ferit ladit bonbarde à uns aultre viés mure, si que li pire passat tout oultre à l’autre costeit del fortereche. Adonc soy rendirent à Ve jour cheauz de là dedens, salveit leurs corps et leur avoir, se que ons les laisat enssi aller leur voie ; et fut enssi gangnié le fortereche, et furent miese sour le maistre thour les banniers de monsingneur de Liege, delle citeit de Huy et de Dynant, si que ons les veioit de Bovingne ; et puis fut ladit fortereche abatue et toute demolue.3

Alors qu’avant la prise du château, elle mentionne à plusieurs reprises des dépenses de mise en défense, la comptabilité de la recette générale du comté ne comporte plus aucune trace de frais de fortification à Poilvache après cette échéance. Seule l’église, qui a survécu à la destruction, fait l’objet encore en 1433 d’une dépense ponctuelle : Pour ung calisse d’argent doré pesans x onches acheté a Anvers et mis a la chappelle de Poillevache ou lieu de celui qui fu perdu a la destruction de la forteresse, lequel a cousté xiii salus qui valent monnoie de ce compte xx l. xvi s.4

Le site reste cependant possession du domaine comtal. Les événements de 1430 sont à l’origine du démantèlement de la forteresse, dont l’importance stratégique a considérablement diminué. L’ennemi liégeois peut être contrecarré dans ses projets grâce au château de Bouvignes et aux structures militaires de Crèvecœur, pour lesquels la Meuse constitue une protection supplémentaire. De plus, les données stratégiques évoluent. La constitution des Pays-Bas bourguignons, puis habsbourgeois, marque un tournant définitif au niveau géopolitique. Dorénavant, la menace la plus sérieuse viendra de France. Dans ce contexte, les structures fortifiées de Poilvache deviennent d’une certaine façon accessoires. Si l’on accepte volontiers de maintenir en état un château intact, on rechigne à reconstruire à grands frais tout un complexe castral, dont l’importance stratégique a considérablement diminué. Les autres fonctions remplies par le château seront tout simplement déplacées, car elles ne requièrent pas une infrastructure propre.

Sources

Archives générales du Royaume à Bruxelles (AGR) :

    • Chambres des Comptes (CC), n°s11185-11208 : recette particulière des domaines de la prévôté de Poilvache (1438-1469)

    • Chambres des Comptes : n°s1001-1003, n°s3222-3309, n°s10945-10949 et n°47089 : recette générale du comté de Namur (1265-1545)

Archives de l’État à Namur (AÉN) :

    • Cours féodales, n°214-218, 225, 260-261, 282, 310
    • Souverain Bailliage, n°34 (répertoire des fiefs de la prévôté de Poilvache), 1298 (liasse aux fiefs à Houx 1701-1792), 1367-1472

    • Chartrier des Comtes de Namur

       

 

COMTE DE LUXEMBOURG

Philippe Mignot

QUOI DE NEUF A POILVACHE ?