Le mystère Poilvache

 

Poilvache, ses hauts murs qui ondulent sur une crête calcaire et qui enserrent un duvet de pins noirs. Poilvache, ses fortifications qui dominent la Meuse, telles que le promeneur peut les voir en traversant la longue plaine fluviale.

Qu’y a-t-il là-haut ? À quoi ont bien pu servir ces remparts ? À quelle époque et pourquoi ont-ils été érigés ? Les questions surgissent.

Que sait-on, en réalité, de cette place militaire mosane qui voisine, trois kilomètres plus au nord, la cité médiévale de Bouvignes ? Peu de choses, à vrai dire. Pendant longtemps, des informations éparses tirées des sources médiévales par les érudits du XIXe siècle. À partir des années 1980, Poilvache fait l’objet de fouilles archéologiques. Mais une synthèse de ces données manquent. Des questions subsistent.

De Poilvache, on connait l’histoire un peu confuse, entre les comtes de Luxembourg et de Namur, avant le duché de Bourgogne, et les vicissitudes propres aux rivalités et à l’enchevêtrement des pouvoirs politiques, dans la région, à la fin du Moyen Âge. On sait que le site a souffert de deux sièges, en 1238 et en 1430, et que ce dernier lui fut fatal.

De Poilvache, on connait surtout la partie château, l’histoire monétaire, les difficultés économiques, résultant de cette position géographique peu banale… De toute évidence, Poilvache n’a dû son existence qu’à sa localisation : un éperon rocheux permettant de surveiller le cours de la Meuse sur près de 6 km au total. Mais encore ? Pourquoi une telle étendue (2,5 ha), sur la colline, alors que la forteresse de Crèvecœur et les châteaux de Montaigle ou de Château-Thierry se résument à des installations militaires beaucoup plus modestes ? Et soulever la question de l’étendue revient à poser aussi celles de l’occupation du site, de la fonction et de l’organisation des occupants… La notion de « ville » de Poilvache, souvent associée à celle de château, résiste-t-elle aux informations extraites des découvertes archéologiques et historiques récentes ? Les éléments d’architecture encore visibles sur le site restent quelque peu énigmatiques, il faut bien l’avouer, comme ce haut pignon de la maison du même nom qui, six cents ans plus tard, continue à défier les chercheurs.

Pour faire simple, y aurait-il donc un « mystère Poilvache » ? À tout le moins des zones d’ombres, des incohérences que nous nous sommes efforcés de lever, à travers cette exposition organisée par la Maison du patrimoine médiéval mosan en étroite collaboration avec l’Agence wallonne du Patrimoine. Oui, l’énigme s’éclaircit peu à peu. Notamment parce qu’il apparaît de manière assez claire, à présent, que Poilvache n’était ni réellement une « ville » ni seulement un « château » mais plutôt une structure politique et militaire inspirée de la féodalité.

Sa fonction militaire prime sur d’autres activités économiques ou agricoles que l’environnement rend impossible. De là découle, la présence d’une population permanente assez limitée, outre les hommes en armes, qui permet aujourd’hui de qualifier Poilvache de « bourg », eu égard à sa réelle composition, plutôt que de « ville » comme cela a souvent été dit sur la base des mentions dans les textes médiévaux.

Poilvache, entièrement livrée aux métiers des armes, ne connaissait de véritable agitation qu’au passage du comte ou à l’occasion des troubles frontaliers. Un atelier monétaire, nous l’avons dit, une chapelle qu’aucune trace archéologique n’a permis d’identifier, un puits et des citernes, un système défensif assez complet autour du château, quelques armes et divers objets de la vie quotidienne qui viennent encore conforter cette thèse… Les défenseurs du site ne devaient leur subsistance qu’aux campagnes environnantes de Senenne, dans la vallée, ou du plateau d’Evrehailles.

Si la destruction de Poilvache par les Liégeois, en 1430, n’est pas suivie d’une reconstruction du site, c’est sans nul doute parce que celui-ci n’avait plus de réelle utilité stratégique ou militaire. Jusqu’à l’arrivée des premiers excursionnistes et des peintres romantiques, à la fin du XIXe siècle, Poilvache redeviendra un site naturel, abandonné aux pilleurs de pierres et recolonisé, peu à peu, par une flore de qualité.

ARCHEOLOGIE

Pierre-Hugues Tilmant

QUOI DE NEUF A POILVACHE ?