La quasi totalité de l’habitat civil implanté dans l’enceinte de la forteresse a disparu. Le caractère massif de cette destruction est lié au mode de construction où dominait assurément le pan-de-bois. Comme les fouilles archéologiques l’ont démontré en plusieurs endroits1, les bâtiments ont été incendiés, probablement au cours du siège de 1430 ou peu après la reddition de la forteresse, et dans la majorité des cas, il n’en subsiste plus que les caves, les citernes et une partie des soubassements. La maison « au grand pignon » fait exception à cette situation.
Son pignon oriental d’environ 14 m de haut est intégralement construit en pierres et il en était certainement de même côté ouest. De la façade située au sud, longue de 14 m, il ne subsiste plus aujourd’hui qu’une partie de maçonnerie en pierres. Il est donc difficile de la restituer dans son état d’origine. Plusieurs hypothèses sont envisageables, telle qu’un rez-de-chaussée en pierre surmonté d’un étage en pan-de-bois. D’après quelques traces d’arrachement de maçonnerie, l’hypothèse d’une façade totalement construite en pierre est également admise. L’édifice a une profondeur totale de 8,30 m. Plus au sud sont visibles des alignements de ce qui semble avoir été des maçonneries, délimitant un espace de 13 m x 24 m précédant la maison. Il est possible que cette surface ait servi de jardin privé ou de potager et que des murets en formaient les limites.
Par ses dimensions, l’habitation est l’une des plus vastes mises au jour jusqu’à présent sur le site. Elle est pourvue en sous-sol côté ouest d’une citerne dont la voûte est percée d’un orifice par lequel il est possible de puiser de l’eau. Côté est se trouve une cave (ou cellier ?) de vastes dimensions (8 m x 9 m). Cet espace est accessible par un escalier de pierre dont l’entrée donne sur la façade sud ; il est éclairé par deux soupiraux situés du même côté et de part et d’autre desquels se trouvent deux niches. La citerne est protégée par une voûte, la cave est probablement couverte par des madriers et planchers dont rien ne subsiste. Cet assemblage s’appuie au nord sur des corbeaux ancrés dans la courtine et au sud sur le retrait du mur de la cave. Une poutre médiane perpendiculaire permet d’écarter le risque de fléchissement de bois qui auraient été trop longs ; elle-même peut avoir été soutenue par un madrier vertical2.
Le rez-de-chaussée se compose assurément de deux espaces. À l’ouest se trouve une pièce accessible par une porte dont un linteau subsiste en partie en façade ; implantée au-dessus de la citerne, elle communique avec elle par l’orifice précité ; il est donc vraisemblable que cet espace, pourvu de deux niches aménagées dans le mur ouest, ait eu une fonction utilitaire, telle qu’une cuisine. La manière dont cette dernière est séparée de la pièce principale dominant la cave demeure incertaine. L’hypothèse d’une cloison en matériaux légers (pans-de-bois et torchis) équipée d’une porte de communication est la plus vraisemblable. L’état de destruction presque total de la façade sud ne permet pas de situer exactement la porte qui, sur ce côté, donnait accès à la pièce principale. D’après la disposition des vestiges conservés, il semble qu’elle ait été située entre l’escalier conduisant à la cave et le soupirail ouest. Par le soin apporté à son aménagement, il est vraisemblable que cet espace ait été la pièce de vie majeure de la maison. De grandes dimensions (8 m x 9 m), elle est chauffée par un âtre dont la cheminée est encadrée par des pieds-droits soigneusement taillés. Au-dessus de ceux-ci, des corbeaux permettent de soutenir les madriers encastrés dans le pignon et délimitant la hotte. Celle-ci semble avoir été construite en blocs de travertin. De part et d’autre de la cheminée se trouvent deux niches, l’une voûtée en berceau et l’autre couverte en bâtière. Ces différents éléments démontrent la recherche d’un certain confort. Il est vraisemblable que les murs aient été recouverts d’un enduit de chaux3. L’éclairage naturel y était assuré par des baies de la façade sud ; leur nombre et leur répartition demeurent hypothétiques. Il en est de même pour l’escalier qui vraisemblablement à partir de cette pièce donne accès au premier étage. Son emplacement exact est imprécis. L’absence de structures maçonnées permet de supposer qu’il était en bois. La composition du premier étage est également inconnue. Compte tenu du volume de l’édifice, plusieurs pièces s’y trouvaient certainement mais on ignore tout de leur répartition. Éclairées par des baies situées sur la façade sud, elles devaient être séparées les unes des autres par des cloisons en matériaux légers et constituaient assurément des chambres. Celle située côté est disposait de deux niches aménagées de part et d’autre du conduit de cheminée et couvertes de dalles plates. Le premier étage avait comme particularité de se situer au même niveau que le chemin de ronde. Celui-ci avait partiellement été aménagé dans l’épaisseur de la courtine nord et une porte permettait de traverser le pignon de la maison, donnant accès à la suite du système défensif. Une cloison devait vraisemblablement séparer ce dernier des pièces privées. Enfin, le dernier niveau, accessible selon toute vraisemblance par une échelle, est formé par les combles.
Afin de permettre la collecte des eaux pluviales dans la citerne, des ardoises constituaient la toiture. À la jonction entre celle-ci et le sommet des murs étaient vraisemblablement disposés des chéneaux par lesquels l’eau s’écoulait vers les conduits d’évacuation menant à la citerne. Il ne subsiste rien de ce système mais sa disposition peut être appréhendée par les découvertes effectuées dans une maison fouillée contre la courtine sud-est du bourg. Des blocs calcaires taillés en V y ont été découverts, ainsi que d’épaisses feuilles de plomb. À partir de ces éléments, il est possible d’émettre l’hypothèse de restitution suivante pour le dispositif mis en place. Au sommet des murs nord et sud auraient été posés des chéneaux en pierre raccordés à des conduits en feuille de plomb aboutissant à la citerne4.
Au sommet de la toiture avait été posé un épi de faîtage en pierre calcaire composé d’un cône surmonté d’une sphère. Il est vraisemblable que deux éléments de ce genre couronnaient les pignons est et ouest de la maison, lui conférant un aspect plus sophistiqué que celui des autres habitats du bourg, en rapport avec le statut social de son occupant.
Bibliographie
BRAGARD 1990 : BRAGARD Ph., Le château des comtes de Namur. Autopsie d’une forteresse médiévale, Namur, 1990.
HOUBRECHTS 2008 : HOUBRECHTS D., Le logis en pan-de-bois dans les villes du bassin de la Meuse moyenne (1450-1650), Liège, 2008 (Dossier de la Commission royale des monuments, sites et fouilles ; 12).
TILMANT 2005 : TILMANT P.-H., Yvoir. Forteresse de Poilvache. Rapport d’activités 2005, Namur.