Entre 1872 et 1879, F. Donny réalise les premières recherches sur le site au moment où celui-ci est propriété de la famille de Lhoneux. À la lecture de son rapport, il semble que la découverte d’objets ait été l’une des motivations de ses travaux1. Il effectue des dégagements en différents endroits du château et de la ville, atteignant dans une de ses tranchées une profondeur de 5 m ! Il signale l’existence dans certaines pièces du château de sols en carreaux de céramique et mentionne la mise au jour d’armes et d’ustensiles de cuisine. Il préconise la fouille du puits pour les objets que l’on pourrait y trouver et une hypothétique galerie souterraine qui en partirait. F. Donny semble avoir été écouté car le puits aurait fait postérieurement l’objet d’une fouille intégrale2. À nouveau comblé par la suite, il est redégagé de 1985 à 1988 par l’asbl ARAS qui y découvre notamment des boulets de pierre, complets ou en fragments. Sous la conduite de Jean-Louis Antoine et avec l’aide du Département de la Nature et des Forêts, les Amis de Poilvache procèdent à plusieurs fouilles à partir de 1987. La cheminée située au-dessus de la cave appuyée à la courtine nord du château est ainsi dégagée, ainsi que le sol en carreaux de céramique de la porte d’accès à la tour semi-circulaire nord. En 1994, dans la perspective de travaux de consolidation, des relevés sont réalisés par le Service de l’Archéologie du M.R.W. À partir de 1997, celui-ci procède à plusieurs campagnes de fouilles avec l’appui du Musée archéologique de Namur, de la Division Nature et Forêts et des Amis de Poilvache. Elles concernent tout d’abord l’entrée du site et l’emplacement vraisemblable de la tour-maîtresse.
Par la suite, le début des dégagements dans le chemin de défilement va permettre d’en préciser l’organisation entre la première et la deuxième porte. En 2000, le fossé est dégagé.
Ses vastes dimensions nécessitent le recours partiel à une pelle mécanique pour les secteurs les plus éloignés de la courtine orientale. La fouille manuelle entraîne quant à elle la mise au jour des maçonneries qui formaient vraisemblablement le boloirque mentionné dans la relation du siège de 1430. Les vestiges de cet élément de fortification s’avèrent être presque totalement détruits entre la tour de Luxembourg et la tour des Bohémiens. La partie orientale de cette dernière est mise au jour ; elle s’est manifestement décrochée de la courtine contre laquelle elle s’appuyait et a glissé dans le fossé en conservant partiellement son volume. En 2001, le flanc septentrional du château est dégagé jusque peu après la tour semi-circulaire Nord.
La fouille du flanc sud de la courtine du chemin de défilement est poursuivie jusqu’au décrochement central de celui-ci. Au cours de l’année 2002, une importante campagne de fouilles reprend au niveau du même chemin. Côté intérieur, les épaisses couches de destruction accumulées contre la courtine sud du château, entre les deuxième et troisième portes, sont en grande partie évacuées. La base de la muraille est ainsi dégagée et il s’avère qu’elle a été construite directement sur la roche calcaire en place préalablement retaillée. C’est vraisemblablement la disposition du substrat naturel qui a entraîné la nécessité de construire la courtine sud du château avec un léger décrochement à environ 7 m à l’ouest de la deuxième porte. La fouille des remblais situés contre la courtine sud du chemin est achevée jusqu’au décrochement ouest de la courtine sud-est du bourg.
La même année, des prospections géophysiques sont réalisées par l’ASBL Argephy. Elles concernent des surfaces importantes contigües, ce qui permet de mettre en évidence plusieurs anomalies du sous-sol. Celles-ci se présentent sous la forme de tracés longilignes qui peuvent atteindre des dizaines de mètres de long. Trois sondages sont creusés dans le bourg afin de vérifier la nature de ces anomalies.
Il était prévu en 2003 d’achever le dégagement de l’intérieur du chemin de défilement mais ce programme est bouleversé par l’effondrement partiel de la tour dites « de la Monnaie ». Pour des raisons de sécurité, celle-ci monopolise les moyens humains et matériels du Département de la Nature et des Forêts et du Service de l’Archéologie. La tour est dégagée et consolidée. Les équipements logistiques mis en place sont ensuite mis à profit pour un premier tronçon de la courtine sud-est du bourg.
La muraille se révèle être assez étroite (0,80 m d’épaisseur en moyenne) et dépourvue à l’origine de tout chemin de ronde. Elle n’est pourvue que de quelques meurtrières. Les fouilles mettent au jour un ensemble de quinze piliers appartenant à une deuxième phase de construction. Ils sont appuyés à la muraille et manifestement destinés à supporter un chemin de ronde. Leur mise en place entraîne la condamnation ou entrave l’usage de certaines des meurtrières, notamment au niveau de la tour dite « de la Monnaie ». Les traces d’un petit foyer sont découvertes entre une maçonnerie et la courtine contre laquelle elle s’appuie.
Le retrait des taillis effectué en 2003 en vue du dégagement de la courtine sud-est du bourg a également permis de réaliser une nouvelle campagne de prospections géophysiques.
En 2004 est poursuivi le dégagement de la courtine sud-est du bourg et de ses abords immédiats, entraînant la mise au jour d’une pièce de plan irrégulier ; le mur ouest de celle-ci est équipé de deux meurtrières. La fouille de cette pièce ne révèle aucune trace d’incendie.
La base de la tour semi-circulaire Nord, intégrée au projet de consolidation de certaines parties du château, est dégagée ; elle présente en partie une tranchée de fondations qui est la seule mise au jour jusqu’à présent sur le site. Au sud du château, le retrait des couches de destruction à l’intérieur du chemin de défilement est achevé, ce qui permet d’atteindre la troisième porte.
Cette dernière est simplement appuyée à la courtine sud du château ; elle a donc été construite après celle-ci, comme la deuxième porte. On observe par ailleurs une nette différence de technique de construction entre la courtine et la porte. Ces différentes observations laissent entendre que l’aménagement du chemin de défilement est postérieur à la construction du château.
Le dégagement de la courtine sud-est du bourg est poursuivi en 2005 jusqu’à la cave située sous la terrasse du chalet d’accueil. L’une des pièces appuyée à la muraille est fouillée jusqu’à la roche en place. Elle forme le sous-sol d’un bâtiment détruit par le feu, certainement au cours du siège de 1430.
L’épaisse couche d’incendie mise au jour livre un matériel archéologique important, dont un pichet miraculeusement intact. On y trouve également une grande quantité de torchis rubéfié, ce qui démontre l’usage de pans-de-bois au rez-de-chaussée et/ou à l’étage du bâtiment détruit. Le mur sud du sous-sol formant une cave est venu doubler l’épaisseur de la courtine sud-est, assurément afin de permettre la prolongation du chemin de ronde. Les deux meurtrières primitives de la courtine ont été prolongées vers l’emprise de la cave grâce à deux embrasures. Un peu plus à l’est et perpendiculairement à la muraille sont mis au jour les départs de deux murs qui pourraient correspondre aux limites soit de nouvelles pièces soit de jardins ou potagers, selon l’exemple de la maison « au grand pignon ». Le tronçon de la courtine dégagé dans ce secteur livre les faibles vestiges d’une nouvelle meurtrière. Plus à l’est, en contrebas du pavillon d’accueil, les couches de destruction recouvrant plusieurs pièces sont partiellement fouillées.
Au cours de la fouille de la tranchée de fondation de la tour semi-circulaire Nord, aucun matériel archéologique n’est découvert. Par contre, le nettoyage minutieux du parement externe révèle la présence d’une longue cavité, de section étroite, à l’intérieur même de la maçonnerie. Il est vraisemblable qu’elle corresponde à l’emplacement d’une poutre de bois employée au cours de la construction. À l’est de la tour, des sondages sont pratiqués au pied de la courtine nord afin de vérifier l’état de la base de la maçonnerie. Un autre sondage est creusé au pied du massif d’entrée sud faisant partie de la première porte du chemin de défilement; il s’avère que par endroit, le massif a été détruit jusqu’aux fondations, celles-ci incluses3.
Sur le flanc sud du site, la fouille de la tour semi-circulaire Sud démontre qu’elle ne fait pas partie des dispositifs d’origine du chemin de défilement. Celui-ci semble donc avoir fait l’objet de plusieurs phases de construction.
L’année 2006 voit la redécouverte du puits situé contre la falaise, sur un étroit ressaut rocheux. Grâce à l’intervention des pompiers d’Yvoir, une descente en rappel est effectuée jusqu’au puits et ensuite à l’intérieur de celui-ci. L’ouvrage taillé dans la roche calcaire présente encore une hauteur dégagée de 6 à 8 m et un diamètre de 1,50 m à 1,60 m4.
Plusieurs sondages sont réalisés dans le cadre du projet de consolidation, notamment à travers la courtine du chemin de défilement, entre les deuxième et troisième portes. Il s’avère que ce tronçon se compose de deux murs accolés. La construction de la courtine en plusieurs phases est dès lors confirmée.
À l’intérieur du bourg, la fouille du bâtiment central démontre une construction en plusieurs étapes, vraisemblablement à partir d’un noyau primitif composé d’une pièce avec cheminée. De celle-ci n’ont été retrouvés que les blocs taillés démontés, manifestement en vue de leur évacuation du site et de leur réemploi. À l’est de ce bâtiment est creusée une tranchée rejoignant la courtine nord. Plusieurs maçonneries y sont mises au jour, démontrant l’existence d’autres édifices sur le site. Leur très faible niveau de conservation suggère des constructions en pans-de-bois reposant sur des solins de pierre.
Plusieurs des pièces situées à l’ouest de la terrasse du pavillon d’accueil sont dégagées en 2007, dernière année de fouilles sur le site. L’étude des maçonneries découvertes suggère que s’élevait à cet endroit un seul édifice d’une longueur moyenne de 13 m et de près de 12 m de large, s’appuyant à la courtine sud-est du bourg. Contre celle-ci se trouvait un pilier de plan trapézoïdal portant sans doute un tronçon de chemin de ronde. À l’origine, le bâtiment, précédé côté nord par une aire dallée, aurait été composé d’une vaste salle équipée d’une cheminée dont les blocs taillés sont identiques à ceux de la maison « au grand pignon ». Comme pour cette dernière, la pierre devait former le matériau de construction principal, en tout cas côté est où se trouvait la cheminée. Les autres murs étaient également en pierre au rez-de-chaussée et peut-être en pan-de-bois à l’étage. L’extrémité sud de la salle communiquait par un escalier avec une cave disposée contre la courtine et éclairée par deux soupiraux. Dans une phase d’aménagement postérieure, l’édifice de départ aurait été subdivisé en deux habitats orientés nord-sud. L’amélioration de la défense du site conduisit à l’épaississement de la courtine sud-est, en empiétant sur l’emprise des deux caves ; il fallut prolonger les soupiraux par deux embrasures en pente vers l’intérieur de ces dernières. Les maisons furent détruites par un incendie très certainement en relation avec le siège de 1430.
Dans le bourg, trois nouvelles tranchées orientées nord-sud sont creusées afin d’évaluer l’importance des vestiges dans cette partie du site. Comme en 2006, elles révèlent la présence de plusieurs maçonneries ayant pu servir de bases à des bâtiments construits en pan-de-bois.
Au nord-est de la tour du Midi sont réalisées de nouvelles prospections géophysiques. Celles-ci sont destinées à vérifier les informations fournies par F. Donny. Il déclare en effet dans son rapport de 1879 : « À côté de cette tour et au-dessous de son niveau se trouve un puits creusé dans le roc et ayant encore 15 mètres de profondeur ; sa largeur est de 2,50 mètres. » Les prospections montrent une importante anomalie de plan plus ou moins circulaire, d’un diamètre d’environ 2 m. Il pourrait donc s’agir, sous réserve de vérification par sondage, du puits mentionné par F. Donny.
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