Introduction
La comptabilité de la recette particulière de la prévôté de Poilvache de l’époque bourguignonne est conservée aux Archives générales du Royaume à Bruxelles1. Elle couvre la période de 1429 à 14692. Ces comptes présentent un aspect très répétitif ; les articles étant reproduits invariablement d’une année à l’autre. Antérieurement à 1429, la comptabilité de la recette générale est pratiquement inexploitable car les articles relatifs aux dépenses pour des travaux entrepris aux châteaux du comté ne distinguent pas les sites concernés. Les rares données utilisables ont été publiées par Léon Lahaye3. À partir de 1429, lorsque le comté de Namur entre dans les possessions du duc de Bourgogne, la comptabilité de la recette générale est modifiée, sans doute en raison de l’éloignement des autorités de contrôle se trouvant à Lille. Ces dernières exigent du receveur une liste détaillée des dépenses. Ainsi, les châteaux faisant l’objet de travaux sont désormais clairement identifiés, tels ceux entrepris à Poilvache pour renforcer les fortifications en prévision d’une attaque liégeoise en 14304.
Cette recherche a poursuivi trois objectifs :
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L’identification d’éléments se rapportant directement au site de Poilvache ;
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L’évaluation de l’impact de la destruction de la forteresse sur sa proche région ;
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La collecte de données relatives aux localités voisines de Poilvache (Champalle, Senenne, Anhée et Houx)5.
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En complément, nous avons consulté le fonds des archives de l’ancienne abbaye de Moulins conservées aux Archives de l’État à Namur6.
Le contexte géopolitique de 1430
En 1429, après la mort du comte Jean III survenue le 1er mars, l’avènement des ducs de Bourgogne à la tête du comté de Namur ravive la vieille querelle entre Namur et Liège7. La tentative d’une troupe commandée par un capitaine bourguignon au départ de Bouvignes, de prendre par surprise la tour de Montorgueil à Dinant a pour effet de précipiter le déclenchement d’une nouvelle guerre liégeoise8. En effet, s’étant rendus à Liège pour se plaindre de ce coup de force, les Dinantais réclament la levée des troupes et l’entrée en guerre du pays liégeois9. Après quelques mois d’attentisme et de vaines négociations avec le duc de Bourgogne, l’évêque de Liège, Jean de Heinsberg déclare la guerre à Philippe le Bon, le 10 juillet 1430. Quatre jours plus tard, l’armée de l’évêque se met en campagne. Elle quitte Liège en direction de Golzinne et du comté de Namur bien décidée à ardre et destruire tout, sens riens à remanoir où ilh venoient10. Les milices hutoises dévastent le Condroz namurois puis prennent la direction de Purnode pour rejoindre les Dinantais occupés à préparer le siège de la forteresse de Poilvache. Les milices de Ciney arrivent ensuite à Poilvache précédant les troupes de l’évêque vers la fin juillet ou le début d’août 143011. En dépit d’une mise en défense considérable du front est — le plus exposé aux assauts — et des travaux d’amélioration aux fortifications réalisés à la hâte en juin et juillet 143012, cinq jours de siège viennent à bout de la forteresse dont les défenses ne sont pas adaptées aux innovations de l’artillerie à poudre. Livrés au pillage, le château et le bourg sont incendiés et détruits.
En marge de la prise de Poilvache, les Dinantais organisent des chevauchées dévastatrices dans l’hinterland namurois13. Les conséquences de ces raids sont désastreuses non seulement pour l’économie de l’arrière-pays namurois mais également pour ses habitants, contraints de fuir. Au cours de cette période, on relève dans la comptabilité de la prévôté de Poilvache des mentions de destructions par incendie de plusieurs maisons, fermes et moulins. La bouverie de Purnode, tenue par Lambert de Schaltin, chairier de Poilvache, est entièrement détruite : toute arse et destruit14. À Yvoir, c’est la cense du moulin qui est incendiée15. Un peu plus à l’écart, dans la vallée du Bocq, bien que située en terre liégeoise, la cense du moulin de Bauche est également incendiée16. Dans le fond de la vallée, au pied de Poilvache, la cense de Champalle subit le même sort, sa reconstruction est entreprise peu avant 143817. Dans la région d’Yvoir, le départ de fermiers a pour conséquence l’abandon de terres de culture sur lesquelles un cens annuel est dû. Ainsi, le receveur ne sait enregistrer dans le compte de la recette de 1438-1439, les deux setiers et deux quarts d’avoine dus annuellement par Colin Brochart sur ses terres laissées en friche18.
La campagne liégeoise s’achève avec le siège de la ville de Bouvignes. Malgré l’utilisation d’une tour d’assaut sur roues (chat) destinée à prendre le donjon de Crèvecœur19, la ville résiste et au bout d’un mois, les coalisés liégeois lèvent le siège. Une trêve est conclue entre les belligérants en septembre 1430 qui débouche un an plus tard sur le Traité de Malines réglant les conditions imposées aux Liégeois20.
Poilvache
Les comptes livrent peu d’informations sur le bourg de Poilvache, sur son organisation spatiale et sur les édifices qui le composent, dont certains doivent constituer le logement de titulaires d’un fief de garde21. Deux habitations sont toutefois mentionnées. L’une avec un jardin appartenant à Jehan Robau22 et l’autre à Lambert de Schaltin23. Ces deux habitations sont détruites lors de la prise de la forteresse. La maison « au grand pignon » constituerait-elle les vestiges de l’une d’elles ? Faute d’éléments plus précis, nous ne pouvons l’affirmer.
Un jardin (courtil) situé au-dessus des portes de Poilvache où on fit le neuf mur entre les 2 portes est mentionné dans les sources24. Si en effet trois portes doivent être franchies avant d’entrer dans la forteresse, la localisation de ce jardin est difficile à établir. Enfin, les comptes évoquent un autre jardin situé dessoubz la plache de la monnaie de Poilevache qu’il est mal aisé de localiser25. Le terme plache renvoie certainement un bâtiment ou le local où l’on battait la monnaie et sur lequel un cens est prélevé26.
Lors de sa fondation au début du XIIIe siècle, le site de Poilvache dépend de la paroisse de Senenne lui faisant face sur la rive gauche de la Meuse et bénéficie des services d’un chapelain qui assure un service religieux au sein de la chapelle du château. Les habitants du bourg sont tenus de se rendre à l’église Saint-Martin de Senenne pour les offices et les sacrements, ce qui nécessite de parcourir une distance importante et de franchir la Meuse avec tous les risques que cette traversée comporte. Aussi, le comte Henri V de Luxembourg expose ces incommodités dans un acte de 1271. Il sollicite de l’abbé de Floreffe, dont dépend la paroisse de Senenne, que Poilvache ne soit plus rattachée à Saint-Martin et qu’une église baptismale soit construite dans l’enceinte de la forteresse. Un accroissement démographique permet probablement d’appuyer cette demande27. L’emplacement de cette église n’a jusqu’à présent pas été découvert. La charge de chapelain28 de Poilvache constitue un fief pour lequel une rétribution est perçue par son détenteur. Il perçoit également les revenus de plusieurs autres fiefs dont celui de la dîme d’Yvoir29. Un revenu pour l’achat du luminaire (cierges et chandelles) lui est aussi alloué30. L’église aurait-elle survécu à la destruction de la forteresse ? Une dépense réalisée en 1433 pour un calice d’argent doré pesant X onces acheté à Anvers et mis a la chapelle de Poilvache au lieu de celui qui fut perdu à la destruction de la forteresse, lequel a coûté XIII salus qui valent monnaie de ce compte XX livres XVI sous31 tendrait à le laisser penser. En 1496, Philippe le Beau décharge maître Jean Lauwin de sa fonction de chapelain de la chapelle du château de Poilvache dont le service est désormais assuré, tant que le château n’aura pas été reconstruit, par les religieux de l’abbaye de Moulins qui percevront les revenus de sa fondation32.
Champalle
La ferme de Champalle est située dans la plaine alluviale de la Meuse, sur la rive droite, sous les contreforts nord de Poilvache. Qualifiée de bouverie en 130933, elle occupe une position privilégiée par sa proximité avec le site fortifié qui offre une protection à ses occupants. Comme en divers lieux dans la vallée à cette époque34, les rochers escarpés qui surplombent Champalle sont livrés à la culture de la vigne35. La plaine est dévolue à l’agriculture. Le fauchage et la récolte du foin d’une terre appelée le wanaige36 de Champalle, sans doute à proximité de la cense, est soumise à la perception d’un droit au profit du duc au cours de l’année 1450-145137.
Senenne
C’est au cœur de la vaste plaine alluvionnaire de la rive gauche de la Meuse, en face de Poilvache et de Houx, qu’est érigée au XIIe siècle l’église Saint-Martin de Senenne à laquelle est associé un habitat comprenant plusieurs feux mentionnés dès 126538. Le ressort de la paroisse de Senenne comprend sur le versant occidental de la Meuse, Anhée, Grange, Hontoir, Haut-le-Wastia, Warnant, Corbais, Moulins et Hun. Sur la rive droite, elle englobe au moins Yvoir, Ohey, Houx et Poilvache39. En 1158, Henri l’Aveugle, comte de Namur, cède Senenne et toutes ses dépendances à l’abbaye de Floreffe40. Cette donation est confirmée par le pape Alexandre III, le 12 mars 1179. Le territoire décimable, les appendices ainsi que les droits paroissiaux reconnus à l’église Saint-Martin de Senenne dans ces deux actes en font une église mère. L’église est vendue à la révolution française tandis que la paroisse de Senenne est transférée à Anhée vers 1844. L’édifice est finalement démoli en 1885 pour permettre l’aménagement du parc du château construit à proximité par la famille Bauchau en 1857.
Au XVe siècle, un pré de fauche est appelé le « Pas Saint-Martin ». Ce toponyme est sans aucun doute en lien avec la titulature de l’église de Senenne. Moyennant le paiement annuel d’une poule, maître Colart de Houx détient le droit de fauche de ce pré qui s’étend depuis les environs de Senenne jusqu’à la hauteur d’un four à chaux situé devant Anhée41.
Selon le chanoine Roland et Philippe Anselin, l’église de Bouvignes aurait été originellement rattachée à la vaste paroisse de Senenne pour être ensuite démembrée de l’église Saint-Martin au plus tard en 1161 – date de la première mention d’un curé à Bouvignes – et donnée à Floreffe en même temps que Senenne, vers 116142. Aussi, les liens unissant Senenne à Bouvignes ne se traduisent-ils pas seulement au spirituel, mais également au travers de transactions foncières. Ainsi en 1457, Jean le Chisne l’aîné de Bouvignes officialise par un record la cession en accense héritable d’un « courtil à Senenne » et des droits et actions qu’il possède sur l’île d’Anhée au profit d’Adam Pierrart d’Anhée43.
Anhée
Implantée sur la rive gauche de la Meuse, face à Champalle, les origines de la petite bourgade sont mal connues. Il est toutefois permis de penser qu’un ensemble de facteurs ont favorisé l’implantation d’un groupement humain en ce lieu dès le Moyen Âge. La proximité de l’abbaye de Moulins mais surtout celle de l’église Saint-Martin de Senenne, furent à ce titre déterminantes. À cet égard, il est possible qu’Anhée ait pu constituer un hameau dans le prolongement de Senenne.
La vaste plaine alluviale, propice aux activités agricoles, et le gué de Houx permettant la traversée de la Meuse ont constitué des éléments favorables à la fondation de la localité44. Implantée sur une basse terrasse, juste au-dessus du lit majeur de la Meuse de manière à être à l’abri des crues les plus fréquentes, Anhée a peut-être été un lieu d’accostage en rive gauche à l’extérieur d’un large méandre qui succède à celui de Houx. Le long de la rive, la profondeur d’eau plus importante due à la vitesse du courant autorise le chargement d’un bateau à l’accostage sans risque d’échouage.
La terre d’Anhée reste pendant plusieurs siècles dans le domaine direct du comte de Namur. Érigée en mairie relevant d’abord de la prévôté de Poilvache puis du bailliage de Bouvignes, elle reçoit sa charte de privilèges en 1392 du comte Guillaume II45. Une cour échevinale ressortissant de l’échevinage de Namur en assure l’administration46.
Au milieu du XIVe siècle, la localité comprend un ensemble d’habitations avec dépendances et jardins. En 1347, Henri Courtins donne sa maison située à Anhée en garantie d’une rente de 3 muids d’épeautre qu’il vend à Jean de Boumalle de Namur47. On note la présence de plusieurs Bouvignois propriétaires de biens et de terres à Anhée48 Dès le XVe siècle, les transactions foncières se faisant plus nombreuses, les localisations de biens se précisent davantage et des noms de rues apparaissent dans les documents tel ce « courtil » situé « dans la rue qu’on dit Maroie Fevry » du nom d’une habitante49 ou encore cette maison en construction située dans la rue « des Estampeaux » que Piero du Rond cède à Jean Remacle à charge pour ce dernier de l’achever50.
Quant à l’estimation du nombre d’habitants de la petite localité au milieu du XVe siècle, l’aide financière apportée par quinze des plus riches contribuables d’Anhée au duc de Bourgogne en 1444 permet d’avancer que le village est constitué d’au moins une quinzaine de feux estimés à trois ou quatre personnes chacun totalisant environ 50 personnes51. À cette époque, le village se dote d’une compagnie d’arbalétriers. Elle comprend 60 hommes recrutés dans toute la mairie dont la charge principale consiste à renforcer la garnison de Bouvignes. Seuls 40 de ses membres jouissent de privilèges d’exemption (taille, mortemain…)52. Ces chiffres tendent donc à confirmer le nombre d’habitants d’Anhée au milieu du XVe siècle53.
Dans un acte de vente au profit de l’abbaye de Moulins d’un ensemble de biens situés à Anhée appartenant à Jaspar de Namur, reçus par héritage de son grand père bourgeois et batteur de cuivre de Bouvignes, il est question des « prés du Pont », d’une maison et d’une rente affectée sur « la petite île devant la chapelle d’Anhée »54. Mentionnée à plusieurs reprises dès le début du XVe siècle, cette chapelle est desservie par les religieux de l’abbaye de Moulins. En 1604, suite à un litige, les religieux promettent de célébrer une messe chaque vendredi à l’attention des habitants d’Anhée si ces derniers consentent à renoncer à leur droit de pâturage sur un pré appartenant à l’abbaye55.
Une longue île s’étirait dans la Meuse à la hauteur de la localité. Couverte de saules, elle était entrecoupée, de part en part, par une série de petits bras de Meuse56.
Houx
Le village de Houx, blotti au pied de la falaise rocheuse de Poilvache, est incontestablement lié à la forteresse qui le surmonte. Si ses origines sont mal connues, son histoire ne parait vraiment démarrer qu’au XVe siècle, lorsque Poilvache perd son rôle de place forte et de lieu de pouvoir57. Il est possible que le bourg de Houx se soit développé en raison de la présence d’un gué associé à un lieu d’accostage, à l’extérieur d’un méandre, au pied des rochers de Poilvache, et consécutivement à la construction du château de Poilvache. La bourgade a peut-être suivi un schéma urbanistique sensiblement comparable à celui de Bouvignes à partir d’une voirie principale et de ruelles transversales délimitant ainsi le parcellaire. Houx s’implante sur un véritable cône de déjection engendré par les alluvions venant du vallon58, à la base d’une crête rocheuse en bord de Meuse et au pied d’un donjon rapidement devenu un vaste site castral fortifié au XIIIe siècle. Houx est traversé par un ruisseau provenant du ravin de la Collebert et dont l’apport alluvionnaire a permis la création du gué évoqué ci-dessus. Ces éléments sont tout à fait comparables avec la topographie de Bouvignes et son essor dès le XIIIe siècle. Houx semble avoir été protégé par une enceinte de pierre pourvue de quelques tours, portes et portelles comme le montre la gouache d’Adrien de Montigny dans les Albums de Croÿ59. Ces structures défensives sont également visibles sur le plan de Poilvache daté de 1570 dans l’atlas de Gilles de Berlaymont. Un mur partiellement arasé apparait en bord de Meuse et au sud, entre deux murs de fortification, une imposante tour-porte quadrangulaire contrôle l’accès à la localité.
Au XVe siècle, Houx est peu peuplée, seulement neuf contribuables considérés comme les plus riches de la localité, dont une veuve, participent à l’aide financière imposée par le duc de Bourgogne en 144460. Si l’on considère ces contribuables au titre de chef de familles évaluées à trois ou quatre personnes chacune, on atteint à peine 40 personnes, sans tenir compte des plus pauvres, non imposés. Les gens de Houx et de Poilvache payent les bourgeoises (taille) suivant deux échéances : douze tournois le jour de la Saint-Jean-Baptiste et douze tournois le jour de Noël61.
À l’instar de leurs voisins d’Anhée, plusieurs habitants portent le patronyme du lieu dans lequel ils vivent. Ils partagent leurs activités pour l’essentiel entre l’agriculture, l’élevage, la culture de la vigne62 et la production brassicole. Ainsi, les héritiers de Michel de Houx qui élèvent des chèvres à l’arrière des bergeries de Goubert de Houx paient annuellement un chapon au receveur63. Goubert de Houx possède en accense héritable les terres et les prés situés au lieu-dit Les Moulnes et dont il s’acquitte annuellement en faveur du receveur de six setiers d’avoine et six setiers d’épeautre ainsi que d’une somme de douze tournois64.
Les prés de fauche et les plantations de saules (saussaies) de fond de vallée constituent d’intéressants placements financiers. Ainsi, en 1435, Maroiete, la fille de maître Collard de Hour dit le peisseur, cède en accense à Jean Dorivial d’Anhée, une saussaie située devant Anhée65 et en 1438, elle accense à son père un pré et sanchi (saules) situés devant Anhée66. Une autre saussaie seant devant Anhée le premier devers Houx est mentionnée dans un acte de 1479 par lequel Jean du Blocquehu, boulanger, vend une rente héritable de vingt heaumes affectée sur ce bien à Jean de Nivelles, procureur de l’abbaye de Moulins67. Enfin, en 1486, dans le cadre d’un échange de biens, Gilain le Chisne, maire de Bouvignes, reçoit un pré « en basse rivière » en face de l’île de Houx68.
La communauté de Houx dispose, en accense héritable, d’une zone boisée appelée le « Bois Hérivaux » pour y faire paître les animaux. Pour ce bois, elle rend annuellement trois aimes d’avoine à la mesure de Dinant69. Des particuliers ont pris en accense héritable quelques pièces de terre labourable, tels les héritiers de maître Lambert le Charpentier qui possèdent une terre deles Rondeal et une autre desseur Champalle70.
Plusieurs brasseurs (cambiers) sont installés dans la localité, ils doivent ensemble annuellement au receveur six aimes et six setiers d’avoine71.
Comme à Bouvignes, une île s’étire dans la Meuse à hauteur du bourg où un winage y est mentionné en 130972. À partir de l’année 1458, ce dernier est accensé pour une durée de trois ans à Jehan Stevenart, un habitant de Houx, au prix de 25 livres et 12 sols73. Un moulin à farine est mentionné avec ce winage, sans doute sont-ils proches l’un de l’autre ? Ce moulin est détruit et brûlé pendant la guerre de 1430. Frappé d’une redevance74 en faveur du duc, il n’est pas encore reconstruit en 1450 : Des porcqz du molin Doire (d’Yvoir), du molin de Barge (Bauche), celui du winage de Hour (Houx), cely du molin de Snes qui montent enssemble VII livres pour tant que lesdits molins sont tous ars et destruis par la ghere pour ce… Néant75
On souligne également l’existence d’une pêcherie dénommée « la Louveresse de Houx ». Elle est cédée en accense à Baudouin et Simonet de Houx moyennant une redevance annuelle de trois setiers de moulture nudgrain76.
Au XVe siècle, l’île de Houx est livrée à la culture du foin ou celle de la paille (chaume) vendue au profit des finances ducales : Pour avoir vendu le feurre de l’isle a Hour du temps de ce compte…77. Une recette en grains, évaluée à deux aymes d’épeautre l’an, est enregistrée dans la comptabilité de 1458 à 1464 pour le wayn de l’isle, soit pour les labours et la mise en culture de l’île78. L’île fait l’objet d’un nettoyage annuel ; on y coupe les mauvaises herbes et on y enlève ronces et chardons : Pour avoir netyet l’isle a hour et assi desromsiet cette année…79. Un ilot situé à la pointe nord de l’ile est cédé en accense à Baudouin de Houx, …estant devant l’eawe d’Anhée80 où il récolte la repousse du foin un peu de recriet d’un isleau gisant au desseur de grant ile a Houx, moyennant le paiement d’une redevance annuelle de six sols un denier81.
Conclusion
Force est de constater que les comptes de la prévôté de Poilvache de l’époque bourguignonne livrent très peu de données se rapportant directement au château et à son bourg. Soulignons néanmoins les mentions de deux maisons appartenant à Jean Robau et Lambert de Schaltin mais dont nous ne sommes pas en mesure de préciser leur emplacement et quelques jardins liés à une perception de cens.
Au XVe siècle, la plaine au pied de Poilvache est façonnée par les activités agropastorales des hommes. Au-delà des saules poussant en bords de Meuse, un paysage champêtre s’étire jusqu’aux versants de la rive gauche de la vallée. Des haies bordent les chemins et les voies des herdiers empruntés par les troupeaux pour traverser les terres de culture dans leurs déplacements entre les étables et les bois ou les landes82. Ces haies protègent les prés de fauche afin d’empêcher les animaux de brouter l’herbe avant la fenaison83.
Les terres de labours alternent avec des prés de fauche isolant ainsi les villages d’Anhée et de Senenne dont l’habitat semble concentré. Quelques édifices se détachent dans ce panorama bucolique : l’église de Senenne, la ferme de Champalle, la chapelle et le four à chaux d’Anhée. Les îles entretenues annuellement sont exploitées pour la culture du foin ou de la paille.
Dans la comptabilité de la prévôté, l’impact de la guerre de 1430 sur la proche région de Poilvache se mesure essentiellement par la destruction de moulins et de fermes (bouveries). Les raids dévastateurs des milices dinantaises dans l’arrière-pays namurois durant la première moitié de l’année 1430 provoquent une insécurité permanente et le déplacement de populations. Les terres de culture ainsi abandonnées et sur lesquelles un revenu est perçu sont déclarées en friches et ne génèrent plus aucune recette. S’il ne constitue pas un objectif prioritaire pour les Liégeois, le château de Montaigle voit sa garnison renforcée. Elle reçoit des vivres et des armes pour faire face à une attaque. L’absence des registres de comptes pour les huit années qui suivent directement la destruction de Poilvache est regrettable. Ces derniers auraient permis de préciser d’avantage les conséquences directes de la guerre sur les biens namurois proches de Poilvache. On constate néanmoins qu’au cours de l’année 1438-1439, certains édifices ne sont pas encore reconstruits telle la cense du moulin d’Yvoir ou celle du moulin de Bauche. On le voit, l’impact de cette guerre sur les populations et sur l’économie locale fut loin d’être négligeable. Plusieurs années furent nécessaires pour revenir à une situation « normalisée » avant le retour d’une nouvelle guerre en 1465 et le terrible châtiment infligé aux Dinantais en 1466 par Philippe le Bon84.
Sources
Archives générales du Royaume à Bruxelles (AGR) :
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Chambres des Comptes (CC), n°3227-3228 et n°11185 à 11208.
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Archives de l’État à Namur (AÉN) :
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Archives ecclésiastiques, Abbaye de Moulins, n°3125, charte n°20 du 28 avril 1496 ; charte n°39 du 13 octobre 1604.
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Archives ecclésiastiques, Abbaye de Moulins, n°3138, charte n°2 du 15 novembre 1347 ; charte n°17 du 1er janvier 1385 ; charte n°44 du 8 juin 1420 ; charte n°71 du 2 octobre 1479 (transfixée à celle du 24 octobre 1435) ; charte n°71 du 24 octobre 1435 ; charte n°103 du 2 juillet 1450.
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Archives ecclésiastiques, Abbaye de Moulins, n°3139, charte n°53 du 10 janvier 1457.
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Archives ecclésiastiques, Abbaye de Moulins, n°3140, charte n°60 du 9 janvier 1486.
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Archives ecclésiastiques, Abbaye de Moulins, n°3142, charte n°26bis du 12 janvier 1523.
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Archives ecclésiastiques, Abbaye de Moulins, n°3145, charte n°43 du 23 octobre 1494.
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